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8 mars : En Corse, les femmes votent depuis le 16e siècle


Thibaud KEREBEL le Mercredi 8 Mars 2023 à 12:17

Célébrée ce mercredi 8 mars, la Journée internationale des droits des femmes est l’occasion de rappeler que c'est en Corse que les femmes se voient attribuer le droit de vote pour la première fois dans l'Histoire universelle. Un droit qui existe sur l’île depuis le 16e siècle, bien avant qu’il ne soit généralisé dans le reste du pays



Jean-Guy Talamoni
Jean-Guy Talamoni
En France, les femmes ont dû attendre 1944 pour obtenir le droit de vote et 1945 pour l’exercer, à l’occasion d’élections municipales. Sur cette question, la Corse est largement avant-gardiste, puisque les veuves ont hérité de ce droit dès le 16e siècle, plus précisément en 1552. « À l’époque, l’île était sous domination génoise, et c’est expressément Gênes qui avait autorisé cette pratique », retrace Jean-Guy Talamoni, avocat, maître de conférences, et ancien président de l’Assemblée de Corse. « Les femmes qui votaient, c’étaient les veuves, autant dire celles qui dirigeaient le foyer et qui élevaient seules leurs enfants. »

Postérieurement, cette avancée a été associée à Pascal Paoli, initiateur de la Constitution corse de 1755. « On la prête à Paoli, mais en réalité, il n’a fait que maintenir un système déjà en vigueur à l’époque », reprend Jean-Guy Talamoni. « Toutefois, cela n’enlève rien à l’innovation majeure que représentait cette Constitution sur différents plans, comme par exemple le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. » À noter que le texte de 1755 accorde à toutes les femmes de plus de 25 ans (veuves ou célibataires) le droit de vote, et non plus uniquement aux chefs de foyer.

À la Libération, les Corses ont ouvert la voie

En avance sur le plan de l’égalité des sexes, la Corse a été contrainte de faire un pas en arrière, en 1769, lors du passage sous domination française. Conformément aux règles en vigueur sur le continent, les femmes de l’île ont ainsi été déchues de leur droit de vote, et ne l’ont retrouvé que deux siècles plus tard, en 1944. À en croire Jean-Guy Talamoni, les résistants corses ont également pesé dans l’attribution de ce droit lors à la Libération. « Le général de Gaulle y était plutôt favorable, mais tout le monde n’était pas unanime. En septembre 1943, lors de la libération de la Corse, les résistants ont, de leur propre autorité, provoqué des élections municipales. Et ils ont décidé que les femmes seraient électrices et éligibles. Ça a été couvert par la presse, et ça a ouvert la voie. »

Cet exemple concret illustre la sensibilité particulière des Corses sur la question. Auteur de différents travaux de recherche, Jean-Guy Talamoni en a retrouvé des illustrations dans les expressions typiquement insulaires. « Ce que j’ai observé, c’est que les proverbes sur la femme étaient beaucoup plus valorisants en Corse que dans le reste de la Méditerranée. Cela donne des vrais éléments de réflexion sur la mentalité des peuples. J’ai comparé avec l’Italie, la France, l’Espagne, le Maroc… Pour citer un exemple, il y a un proverbe corse qui dit ‘La maison n’a pas ses fondations sur la terre mais sur la femme’. Donc je pense effectivement qu’il y a une sensibilité particulière ici. »